Catherine HO est anthropologue prospectiviste et professeur, spécialisée dans la mode.
Experte du marché du luxe et de la mode en Chine, elle a notamment mené des études pour l'Observatoire économique de l’IFM, et diverses marques de mode.
Elle a été la modératrice de la table ronde "Porter ses valeurs" à laquelle nous avions participé, et elle a accepté avec joie de répondre à notre Questionnaire Sentimental du Textile !
GGP - De toutes les matières textiles, laquelle est votre préférée ?
CH - La soie, pour sa légèreté, sa fluidité, la sensation de peau "presque" nue sous le tissu.
GGP - De quelle matière était fait votre doudou ? Ou votre vêtement d'enfance préféré, une matière qui vous plaisait ?
CH - En coton.
GGP - Votre souvenir le plus doux, marquant, par rapport à un vêtement, objet textile ?
CH - Un chemisier rose ayant appartenu à ma mère, et qu'on lui avait cousu au Vietnam. Je la trouvais très belle, très élégante quand elle le portait. Je l'ai retrouvée un jour dans ses armoires. Elle ne portait plus et me l'a donné.
GGP - Si vous n'aviez qu'une tenue, ce serait laquelle ? et pourquoi ?
CH - Une robe en longue en coton, de la marque Soeur. Bleu foncé avec un incroyable motif où les fleurs, la végétation se mêlent à des oiseaux, des biches. Elle est à la fois simple et sophistiquée, décontractée et très classe. La porter est d'un confort absolu, en toute saison. Je la porte aussi bien pour voir des amis, pour le travail et à la maison. Et elle n'a pas bougé d'un poil au fil du temps et des lavages.
GGP - Pour choisir ce que vous portez c'est d'abord la matière, la couleur, le motif ?
CH - Pas de règle absolue, cela dépend ce qui attire mon regard, ce qui fait l'originalité et la singularité de la pièce. Cela peut être sa coupe aussi.
GGP - Quel est le vêtement le plus ancien que vous portez encore, quelle est son histoire ? pourquoi y êtes vous attaché ?
CH - Un jean flare acheté en solde à Camaïeu lorsque j'étais au lycée. Il n'a pas bougé avec le temps, sa coupe est parfaite, son tissu agréable. J'adore le porter au printemps et durant l'été, avec des blouses blanches bohèmes et des espadrilles à talons. J'y tiens beaucoup, j'aime l'image qu'il me renvoie, le corps qu'il me fait, le côté années 70. C'est le seul vêtement à parvenir à faire sortir cette facette de moi, que j'affectionne.
GGP - On parle de durabilité environnementale, ou physique, est-ce que la durabilité émotionnelle ça vous parle ? Dites-nous ce que ça vous inspire !
CH - Oui, j'achète des vêtements pour les habiter, ils entrent dans ma vie, font partie de ma vie. Je ne conçois pas d'achat sans durabilité émotionnelle.
Sinon, c'est une erreur et j'ai appris au fil du temps à déjouer les pièges pour éviter ces erreurs. J'aime me dire que chaque pièce de mon placard est une pièce de collection, que je fais vivre en le portant le plus longtemps possible.
GGP - Le sens, dans la mode, pour vous, ça veut dire quoi ?
CH - Tout a un sens. Après, il s'agit de questionner quel sens est aligné avec soi, ses valeurs.
GGP - L’impact de la mode sur l’environnement n’est plus à démontrer. Quelle information à ce sujet vous a le plus interpellé.e ? choqué.e ?
CH - Je suis très consciente des nombreux problèmes que pose la mode sur l'environnement et en même temps complètement imperméable aux informations anxiogènes ou choquantes, je ne les retiens pas, elles me polluent. J'ai choisi depuis huit ans d'aller vers une façon de vivre plus respectueuse la nature et des êtres humains, plus connectée, plus empathique. C'est un chemin. Chaque jour un nouveau pas, même tout petit, est une avancée. Je préfère concentrer mon attention et mes choix vers ce qui me donne de l'élan, ce que je trouve juste, humain, respectueux, poétique.
GGP - Pour vous, par quoi faudrait-il commencer pour limiter cet impact ?
CH - Être conscient de ce que l'on possède déjà, de ce que l'on porte, de ce que l'on achète. Et des processus, des choix, des émotions, des pulsions derrière chaque achat ou chaque vêtement qu'on décide d'intégrer dans sa penderie pour longtemps.
GGP - Quelles sont les choses que vous avez changées pour aligner votre consommation du textile avec vos valeurs ?
CH - Questionner chacune de mes pulsions d'achat. Est-ce une pulsion, un désir, un besoin réel ? Prendre vraiment le temps de désirer un vêtement. Dans 90% des cas, ces désirs s'évaporent dans les jours, les semaines qui suivent la pulsion ;) Faire de chaque achat un moment à savourer. Plus l'achat devient quelque chose de banal qu'on ne célèbre pas et plus on a envie de recommencer, de céder aux pulsions.
GGP - A quoi ne pourriez-vous pas renoncer en matière d'habillement ?
CH - Même si je privilégie la seconde main, même si j'aimerais voir se multiplier l'upcycling et la réparation, je ne pourrais pas renoncer à acheter de temps en temps du neuf.
GGP - Comment faites-vous pour garder vos vêtements le plus longtemps possible ?
CH - Pas de miracle : choisir des vêtements de qualité, bien confectionnés, avec des matières durables. Cela me mets en hors de moi quand je me rends compte que le vêtement acheté ne tient pas sa promesse de durabilité.
GGP - Les pulls rétrécis, les chaussettes rouges dans une machine de blanc, ça vous arrive ?
CH - Oui, hélas...
Quelles sont vos solutions pour éviter ces accidents, ou les réparer ?
CH - Je fais très attention, en général, lorsque je fais tourner une machine.
GGP - Le visible mending, (ou réparation créative, inspiré du boro ou du kinsugi) vous connaissez ?
CH - Oui, grâce à vous :) (ndlr : Good Gang Paris)
GGP - Qu'est ce qui fait, d'après vous, qu'on hésite à porter un vêtement réparé ?
CH - Le jugement que pourrait porter les autres. Malheureusement, même si la réparation est créative, porter quelque chose de visiblement réparé est encore associé à de la négligence, de la pauvreté.
Retrouvez toutes les personnalités qui on répondu à notre questionnaire sentimental : ici.
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